Mathurin Kersulec est le cousin germain de Jacques Kersulec, arrière-grand-père de mon arrière grand-mère. Il est originaire de Nizon dans le Finistère où il est né en 1767. A l'âge de quinze ans, il embarque comme mousse sur le vaisseau "le Diadème", un puissant navire de guerre armé de 74 canons.
Début dans la compagnie des Indes
À partir du 6 mai jusqu'au 23 septembre 1786 on le trouve comme matelot sur la gabare "l'Étoile".
Il embarque ensuite à bord de la frégate "la Félicité" dont le port d'attache est Cherbourg. Du 22 au 26 juin 1786 le Roi de France Louis XVI est en visite dans la ville, ou il voit la mer pour la première fois. Il y assiste aux travaux d'aménagement du port. Lors de sa visite le roi vint à passer dans un passage très étroit entre son carrosse et le couronnement (partie supérieure de l'arrière d'un navire) alors qu'un matelot hissait un drapeau. Ce matelot n'était autre que Mathurin Kersulec. Il déclarera plus tard avoir eu le bonheur de toucher les vêtements de Sa Majesté.
Le 6 octobre 1786, Mathurin embarque sur la frégate "L'Astrée" de la compagnie des Indes et y reste jusqu'au 3 mars 1790.
La Martinique devient anglaise
Le 4 juillet 1790, il embarque sur le vaisseau "la Ferme", un puissant navire de guerre de 74 canons qui part faire campagne à la Martinique.
La marine doit protéger l'île, un des derniers vestiges de son Empire colonial perdu, contre la flotte anglaise. Depuis la guerre d'indépendance américaine les anglais mettraient volontiers la main sur l'île.
Il se trouve donc en Martinique pendant que la Révolution bouscule tout l'ordre traditionnel en France.
Avec la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui proclame que les hommes "naissent libres et égaux en droit" la situation en Martinique se tend rapidement.
D'un côté les grands planteurs sont favorables à l'esclavage, de l'autre les représentants de la république et leurs partisans locaux cherchent à l'abolir. La république y est représentée par Donatien de Rochambeau, fils du héros français de la guerre d'indépendance américaine Jean-Baptiste de Rochambeau. Nombreux sont les colons qui récusent la République, et l'autorité de celle-ci peine à s'établir.
"La Ferme", le navire, portait le nom donné par les fermiers généraux. Ils avaient été l'une des cibles des premiers révolutionnaire.
Il doit changer son nom, ce sera le "Phocion" du nom d'un républicain grec d'Athènes. En Europe la guerre éclate, les royautés se liguent contre la France. Le "Phocion" y sera plus utile et repart donc pour l'Espagne.
Mathurin Kersulec choisit de rester en Martinique. Il change d'affectation et le 12 janvier 1793 il est désigné pour la flûte "la Bienvenue" un navire de 20 canons, un des deux seuls qui restent pour défendent la Martinique.
Le "Phocion", le navire qu'il vient de quitter, va suivre un destin inattendu. Les officiers décident de prendre parti contre la jeune République et prennent la décision de se rendre à l'Espagne, ils font cap sur Trinidad ou ils livrent le navire à cette puissance ennemie. Le navire battra pavillon espagnol jusqu'à 1808 ou un accident lui sera fatal.
Mathurin Kersulec le mousse devenu officier


Capture de Fort Louis (à Fort de France) en Martinique, le 20 mars 1794.

Batiment du type diadème, premier vaisseau de Mathurin

Vaisseau du même type que "La Ferme"
Abolition et rétablissement de l'esclavage
Le 29 août 1793, du fait d'une initiative locale, l'esclavage est aboli dans la seule Martinique, avant le 4 février 1794 où l'abolition est décrétée pour tous les territoires français.
Les colons se révoltent, ils sont soutenus par les anglais qui débarquent le 6 février 1794 avec 6000 hommes. Ils submergent rapidement les 900 hommes des forces républicaines, qui se retrouvent assiégés dans Fort-République (Fort de France). La ville est protégée par "la Bienvenue" qui mouille dans la rade et dont les canons empêchent les anglais de prendre la ville d'assaut.
Le 19 mars 1794, après une quarantaine de jours de siège les anglais décident de tenter un coup de force contre le navire, amarré seulement à 50 mètres des côtes.
Ils approchent avec des canots. Ceux-ci sont pris sous un feu nourri de mitraille et de mousqueterie en provenance du fort assiégé mais ils parviennent à monter à bord. Le combat est violent contre ceux qui sont restés à bord: le capitaine, un lieutenant, et 20 hommes restant, dont Mathurin Kersulec qui est blessé lors des combats. Tous les autres marins avaient fuit vers la rive.
Les anglais décident de rapatrier en France leurs prisonniers dont Mathurin Kersulec.
La ville de Fort République n'est maintenant plus protégée et rapidement, 4 jours plus tard, le 23 mars la Martinique tombe aux mains des Anglais. L'esclavage est alors immédiatement rétabli pour longtemps.
Les Anglais restitueront la Martinique à la France en 1802, à l'occasion d'un éphémère traité de Paix avec la France. Mais l'esclavage, lui, n'y sera aboli que bien plus tard en 1848.

Décret d'abolition de l'esclavage en créole sur la Martinique
Retour en France
À son retour en France qu'il a quitté 4 ans plus tôt, la Révolution a tout changé. Mathurin Kersulec est arrêté à Saint Servan pour avoir servi sur « La Ferme », bâtiment dont, on l'a vu, les officiers avaient trahi la France.
Il demeura en détention jusqu'au 1er novembre 1794. Il est cependant élargi, il est même rappelé au service comme enseigne de vaisseau sur la corvette "l'Arabe".
Le 8 juin 1795 il quitte définitivement la marine et se retira Pont-Aven ou il devient juge de paix.
Sous l'Empire il est nommé adjoint puis maire de la commune, Il a l'honneur, en considération de ses services et de sa droiture, d’être investi des fonctions de juge de paix le 21 février 1802. Il fut confirmé dans ses fonctions de juge de paix le 2 juillet 1823.



