G comme Grand amiral de l’empire du Vietnam
- Hervé Fauve
- 8 nov. 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 nov. 2022

Waouh… Tel fut mon sentiment en découvrant l’histoire de ce cousin éloigné qui joua un rôle majeur dans l’histoire du Vietnam, alors que la France traversait les tourments de la Révolution et de l’Empire.
Un cousinage inhabituel
Jean-Marie Dayot est un cousin un peu éloigné de mes ancêtres, mais son histoire m’a semblé trop extraordinaire pour que je résiste à la tentation de vous la présenter.
Un jour, par l’association généalogique des Côtes-d’Armor, dont je suis membre, j’apprends que je suis apparenté à un dénommé Jean-Marie Dayot et son frère Félix. Deux célébrités qui m’étaient parfaitement inconnues. Je lis que Jean-Marie Dayot, breton né à Redon, était un ancien grand amiral du Vietnam.
Il en fallait moins pour susciter mon intérêt.
Une famille enrichie dans le commerce avec l’Inde
Au départ, il y a Laurent Dayot, cousin issu de germain de mon ancêtre Mathurine Cornillet. Un simple paysan, né en 1690 à Saint-Alban, dans les Côtes-d’Armor. Orphelin jeune, sans éducation, il sait à peine signer son nom, il va faire fortune dans le commerce. À sa mort, en 1740, il est devenu un riche bourgeois de Rennes où il est qualifié d’armateur.
Ses enfants occuperont tous des fonctions importantes dans le commerce maritime.
Jeunesse de Jean-Marie Dayot
Jean-Marie, un de ses petits-fils, est né en 1760 à Redon ou son père gère un commerce d'importation et de commercialisation de tabac . Bercé par les récits de son entourage, au service de la Compagnie des Indes, il s’oriente vers une carrière de marin.
On trouve sa trace à Pondichéry en Inde, et sur divers navires impliqués dans le trafic triangulaire.
Mais c’est à Brest en 1787, que tout va commencer. L’héritier de l'ancienne dynastie régnante du Vietnam, renversée quelques années plus tôt, le prince Nguyễn Ánh, est venu chercher de l’aide auprès du Roi de France. Pour le représenter il a envoyé un missionnaire français, le père Pierre Pigneau de Behaine qui est venu avec le fils de Nguyễn Ánh. Le prêtre a réussi à obtenir la promesse du roi Louis XVI de lui envoyer un soutien militaire. Deux navires quittent bientôt Brest pour une mission de reconnaissance le long des côtes vietnamiennes. Jean-Marie Dayot est à bord de l’un d’eux. Par la suite le père Pierre Pigneau de Behaine prend à son tour le chemin du Vietnam avec un navire chargé d'armes.
Désertion en masse
À l’escale de Pondichéry, sur la route du Vietnam, le gouverneur local, très défavorable au projet, va bloquer le navire du père Pigneau. Le prêtre ne renonce pourtant pas et parvient même à obtenir du même gouverneur qu’il lui cède 2 navires. C’est alors que les 2 autres navires qui avaient quitté Brest pour la reconnaissance des côtes reviennent.
Ils sont enthousiastes et veulent mener la mission. Défiant l’autorité du gouverneur qui s'oppose à l'expédition, 14 officiers, dont Jean-Marie Dayot, et 100 marins désertent pour embarquer à bord des 2 navires du prêtre. Ils vont être suivis par d’autres et ce sont finalement 20 officiers et 350 marins qui vont partir vers le Vietnam.
Le 19 juin 1789, pendant que le peuple de Paris s'apprête à prendre la Bastille, ils appareillent pour l’aventure au Vietnam.
Réorganisation militaire de l’armée de Cochinchine
À peine arrivés, les français apportent leur savoir-faire au prétendant au trône. Jean-Marie Dayot va jouer un rôle essentiel. Il fait venir auprès de lui son frère Félix, et, sous leur impulsion les vietnamiens développent des arsenaux et constituent une petite marine de guerre.
Il va révéler ses talents de stratège quand, en 1792 avec 2 vaisseaux et une flottille de petits bâtiments de moindre importance, la flotte de Jean-Marie affronte la flotte ennemie.
Ils coulent 5 vaisseaux ennemis, 90 galères sans compter une centaine de petits vaisseaux. Un an plus tard, ils capturent 60 galères ennemies lors d’une autre bataille navale.
Jean-Marie reçoit alors le titre de Marquis de Tri Lüoc Grand Amiral de la Flotte annamite, commandant des bâtiments français de l'Anam, délégué impérial (Mandarin).
Le retour du Roi
Ce succès allait soulever l’hostilité des élites, les mandarins. En 1795, en l’absence du Roi, ils complotent et font condamner Jean-Marie à la cangue (un cadre en bois et le fer fixé autour du cou pesant au minimum 4 kg). Au retour du Roi, Jean-Marie est libéré et les comploteurs sont exécutés. Néanmoins, dégoutés aigris et humiliés, les deux frères Dayot partent pour Manille aux Philippines où ils se lancent dans le commerce.
Ils gardent des liens, commerciaux, avec l’empire du Vietnam. En suivant l’armée pour la ravitailler le long des côtes vietnamiennes, Félix et Jean-Marie réalisent un travail qui allait passer à la postérité : le relevé hydrographique des côtes et des ports, travail qui leur prend 6 ans.
Jean-Marie se marie à Manille. Il a une fille qui ira vivre à la Réunion où elle aura une postérité.
Mort comme il a vécu, en impie
En 1809 Jean-Marie périt dans un naufrage dont voici le récit qui nous permet d’imaginer son caractère.
« Il y a à peu près un an et demi que M. Dayot fit naufrage et se noya tout près d’ici avec sa femme et une vingtaine d'autres personnes. Ce fut bien sa faute, car il était tout près d’un petit port, lorsque la première tempête d'automne le surprit en mer. Cette tempête était affreuse. Ses gens voulaient gagner le port ; mais, lui, insensé qu’il fut, que fit-il ? Il menaça le sabre en main de trancher la tête à celui qui tenait le gouvernail, s’il faisait tant que diriger le bateau vers le port. Bientôt il fut submergé. Sept personnes environ d'entre l’équipage purent se sauver à la nage. Qu’il est à craindre qu’il ne soit mort comme il a vécu, en impie! »
Et après…
Félix, le frère de Jean-Marie, poursuivra ses travaux hydrographiques et mourra à Macao en 1821. Ses cartes allaient devenir la référence pour les cartes dans tous les atlas du siècle à venir. Plus tard un bâtiment de la marine nationale portera même son nom.
Quant à leurs compagnons d’aventure Vietnam. Ils seront rejetés par le nouvel empereur du Vietnam, fils de Gia-Long et regagneront la France vers 1820. Là ils découvriront une France bien différente de celle qu’ils ont quittée en 1786… Tout le monde les a oubliés et eux ne reconnaissent rien. Ils finiront leur vie dans des conditions difficiles.
Quant à moi, j’ai découvert que l’épouse d’un cousin germain de mon père, dont le patronyme était Dayot, descendait d’un frère de Jean-Marie et Félix…
A bientôt, pour une nouvelle descente dans mon abime.
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