La conquête de la Nouvelle Calédonie et les débuts de la France à Tahiti
Ascension sociale
François Butault nait le 12 aout 1824 à Guémené dans le Morbihan, après lui viendront 10 autres enfants, dont 4 mourront en bas âge.
En 1833, ses parents, François et Marie-Louise Le Gall, recueillent leur nièce et leur neveu, orphelins, Louise Leborgne, mon ancêtre, et son frère Ferdinand Le Borgne, enfants de la sœur de François, Louise-Mathurine.
Sur le plan familial, un certain nombre d’indices, sur lesquels nous reviendrons, amènent à penser que le père est dur et que les relations entre les 2 parents et leur fils ainé sont mauvaises. Il est l’ainé et sur lui repose le poids et les contraintes de cette position.
Mais, François, intelligent et doué, fera des études supérieures à Brest fut donc sans doute pour lui une véritable libération.
Il va parvenir à intégrer l’Ecole de Médecine Navale. En 2 générations la famille réussi un véritable bond social. Le grand père, Pierre, était jardinier, le père marchand, le petit-fils devient médecin pharmacien.
![Cours_d'opérations_de_chirurgie_démontrées_[...]Dionis_Pierre_bpt6k1510073j.png](https://static.wixstatic.com/media/353d69_33d370646b654c78a5299db245e52ea7~mv2.png/v1/fill/w_298,h_518,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Cours_d'op%C3%A9rations_de_chirurgie_d%C3%A9montr%C3%A9es_%5B___%5DDionis_Pierre_bpt6k1510073j.png)
Les débuts de la médecine navale
En termes de médecine navale, la France accuse alors un retard de presque 50 ans sur l'Angleterre. Les conditions de vie à bord des navires sont déplorables, le scorbut fait encore des ravages et les fièvres affaiblissent des équipages quand il ne tue pas les marins. Les maladies les rendent inaptes au travail.
Le lien entre prévention du scorbut, déclenché par une carence en vitamine C, et le citron est établi en 1750. Dans la marine anglaise on oblige les marins à boire du jus de citron agrémenté de rhum (origine du punch?) à partir de 1795. En France il faudra attendre 1860 pour que la prise de jus de citron devienne obligatoire.
La santé navale devient donc un enjeu stratégique et divers établissements sont constitués dans les divers grands ports français dont Brest. Ces pharmaciens et médecins sont formés à la collecte et surtout aux techniques de conservation dans l'alcool, embaumement des espèces zoologiques, et aux techniques visant à ramener des plants botaniques ou à constituer des herbiers. L’école de Brest va d’ailleurs se constituer une riche collection d’échantillons botaniques et de croquis alimentés par ses pharmaciens.
Le 1° janvier 1848 François, qui s'est passionné pour la botanique, sort diplômé de pharmacie et Chirurgie.
Il est d’abord interne à l’hopital maritime de Brest puis il embarque pour une première campagne sur les côtes d’Afrique sur une gabare de transport, le « Pourvoyeur ».
En juin 1850, à Brest, il embarque sur « le Phoque », un aviso à roues, un des premiers navires militaires à vapeur affecté au Sénégal. Malheureusement pour lui , au Gabon à l’occasion d’une escale, il attrape une maladie tropical. Il souffrira de fièvres et gastrite chronique jusqu’à la fin de sa vie. Son état maladif ne l'empêcheront jamais d’exercer son métier mais l’affaibliront de façon permanente.

Dernière visite en Bretagne
Malheureusement pour lui , au Gabon à l’occasion d’une escale, il attrape une maladie tropicale et il souffrira de fièvres et gastrite chronique jusqu’à la fin de sa vie.Son état maladif ne l'empêcheront jamais d’exercer son métier mais le fatigueront de façon permanente.
Il obtient alors une unique permission de 4 mois qu’il va passer dans sa famille à Guémené qu’il voit alors pour la dernière fois. Les choses s'y sont sans doute très mal passées. Après ce séjour, François cherchera presque à effacer tout lien avec sa famille. Il ira jusqu’à changer l’orthographe de son nom. Alors qu’au mariage de sa cousine, Louise Leborgne, en 1848, il signait encore Butault , il orthographiera dorénavant son nom Buttaud et même finalement Butteaud. Autre élément notable, aucun de ses enfants ne portera le prénom de son père ni de sa mère même en second prénom ce qui est assez inhabituel à l’époque.
A la fin de ce séjour, nullement guéri mais apte au service, il regagne le Sénégal. Son bateau d'affectation, toujours le Phoque, est affecté à la Division navale du Pacifique, il appareille avec des escales à Terre-Neuve, le Cap Horn, Valparaiso et enfin les îles Marquises.

François signe Butault en 1848 au mariage de sa cousine Louise Leborgne

François signe Butault en 1853 a changé l'orthographe de son nom et signe Butteault.

Compte-rendu médical sur la santé de François Butteaud
Installation des français à Tahiti
Le navire « Phoque » fait partie d’une flottille de 4 navire chargés d’assurer l’ordre et de mater les quelques tentatives de rébellion parmi ces îles Marquises, auxquelles il convient d’ajouter Tahiti, que la France vient d’annexer.
Aux Marquises le bateau embarque jeune femme de 32 ans, Marie Chery, originaire de Clermont Ferrand, arrivée quelques années auparavant en suivant son mari. Devenue veuve mère de 2 enfants, elle s’est remariée, veuve une seconde fois avec un troisième enfant, elle a un fils, Ernest « dont le père ne peut être nommé ». Elle tient un magasin comme « Marchande de Mode » à Nukuhiva aux îles Marquise. Est-ce pour suivre François Butteaud, est ce pour s’établir dans une zone plus favorable à son commerce ? Toujours est-il qu’elle part s’installer à Papeete où François et Marie entament une idylle qui durera toute leur vie.
Ils s’installent ensemble donc ensembles à Tahiti que la France à annexé en 1846.
Sur Tahiti ou vient d'accoster le "Phoque", il n’y a pas de peuplement occidental, mis à part quelques missionnaires religieux, quelques anglais et hollandais, protestants, dispersés dans différentes îles. On trouve aussi des chinois appelés comme main d’œuvre par le principal planteur de l'île, un irlandais, ancien contrebandier en Australie, William Stewart. Celui ci, avec le soutien des autorités françaises cherche à mettre en valeur l'île et fait construire les infrastructures nécessaires à la France pour assurer sa présence. Plus tard, Ernest, le fils que Marie Chery avait eu aux îles Marquise, épousera la jeune veuve de ce William Stewart qui était mort ruiné.
François est en mer, Marie tient un magasin de mode pour les rares européennes, femmes des quelques colons ou souvent femmes de militaires, qui ont suivi leur mari.
Voici ce qu’elle vend selon les publicités du Journal Local, le Messager de Tahiti en octobre 1853:
Avis au public
Madame Maria Chéry a l’honneur d’informer les personnes qui veulent l’honorer de leur confiance qu’elle vient de recevoir de Paris un assortiment de marchandises, telles que : mousseline, baptiste, fil, mouchoirs, foulards, ombrelles, colifichets pour dames, brosses à cheveux, à dents, à ongles, à habits, pinceaux à barbe, encre à marquer, déméloirs, cravates de fantaisie, bijouterie garantie, parfumerie, etc., etc.
On trouve également dans les magasins de Mme Marie Chéry des articles de Chine,
« toiles d’ananas, Nankin, crépons, etc.», de Londres « rasoirs, allumettes, bougies, petits pois, bonbons français et jouets d’enfants pour étrennes ».
Les noms de ses produits sont parfois exotiques à nos oreilles :
Polka mousseline de tout genre, Bombazine, cachemire, barèges, Acomas français imprimé pour dames européennes, Satin blanc, rose, noir et rouge, Services de Damas pour tables à rallonges, Merinos de toute couleur, Toile d’Irlande à trois francs le yard, double largeur, Chapeaux d’enfants nouveau genre, Colifichets parisiens pour dames,Crépons de Chine, indienne française, mousseline suisse, Soie changeante, baptiste, toile d’ananas.
Elle est la seule des 3 commerçantes en articles de mode de l’île à ne faire aucune publicité en anglais
En juin 1853 François et Marie, hors mariage, ont eu une fille, prénommée Marie Antoinette , comme sa sœur et et l'une de ses cousines germaines restées en France. Mais à peine celle-ci est elle née que, dès août, François va partir en campagne pour 2 ans.
La conquête de la nouvelle Calédonie
A cette époque la France, reste sous représentée dans le Pacifique face aux anglais et aux néerlandais, cherche à établir sa suzeraineté sur une terre lointaine et non colonisée pour, à l’instar des Anglais en Australie, créer une colonie pénitentiaire, en d’autre mots un bagne.
La Nouvelle-Calédonie présente le profil idéal. Cette île lointaine, ou subsiste l’anthropophagie, la polygamie et où les femmes sont littéralement exploitées par les hommes, fait l’objet d’une lutte pour l’évangélisation entre catholiques et protestants. Certaines missions se sont d’ailleurs achevée par le martyr des prêtres missionnaires.
Le navire de François effectue une campagne sous les ordres du Contre Amiral Febvrier-Despointes et son second Edmond de Bovis.
Après s'être assuré que les britanniques n'ont pas pris possession de l'île, à partir d'un équipage de 67 hommes, les français établissent leur suzeraineté sur l'île en commençant par les points ou les tribus locales ne leur témoignent pas d'hostilité. En 2 ans la Nouvelle Calédonie est conquise.
Le nom de François Butteaud apparaît même sur l’acte de prise de possession de l’île :
Retranscription de l'acte de prise de possession:
Ce jour d'huî, 24 sept. 1853, à trois heures de l’après-midi,
Je soussigné, Auguste Febvrier-Despointes, contre-amiral commandant en chef les forces navales françaises dans la mer Pacifique, agissant d'après les ordres de mon gouvernement, déclare prendre possession de l’île de la Nouvelle-Calédonie et de ses dépendances, au nom de S. M. Napoléon III, empereur des Français.
En conséquence, le pavillon français est arboré sur la dite île qui, à partir de ce jour 24 sept. 1853, devient, ainsi que ses dépendances, colonie française.
La dite prise de possession est faite en présence de MM. les officiers de la corvette à vapeur le Phoque et de MM. les missionnaires français, qui ont signé avec nous.
Fait à terre au lieu de Balade (Nouvelle-Calédonie), les heures, jour, mois, et an que dessus.
Ont signé : E. de Bovis, L. Candeau, Barazer, Rougeyron, Forestier, Vigouroux, Mallet, missionnaires A. Cany, Muller, Buttaud, L. Deperiers, A. Amet, L. de Macé, le contre-amiral Febvrier-Despointes

En 1854, François rallie enfin Tahiti ou il retrouve sa bien aimée et leur fille qui l’attendent depuis presque 2 ans. 9 mois plus tard ils auront un 2° enfant Edouard dont nous reparlerons dans un autre chapitre.
Fondation du premier cabinet médical de Papeete
Le "Phoque" repart vers la France pour être désarmé. François Butteaud est alors affecté comme chirurgien sur un autre aviso à vapeur de 4 canons, le "Duroc", immobilisé à Tahiti pour cause d’avarie alors qu’il devait rallier le Kamchatka (pointe extrême de la Russie au niveau de l’Alaska) pour des opérations liées à un conflit qui opposait l’Empire Russe et la France (Guerre de Crimée).
Ses avaries réparées le navire part pour la Nouvelle Calédonie à la mi-décembre 1854 et le 18 janvier 1855 au matin François débarque à Nouméa alors qu’à Tahiti sa bien-aimée accouche de leur 2° enfant, Edouard. que François, qui n’est pas marié, avait reconnu par anticipation avant d'embarquer.
Il devra attendre son retour le 14 juin pour apprendre qu’il est devenu père d’un fils Edouard et le voir pour la première fois.
Sur 4 ans François a passé 2 an ½ en mer.
Démission
Toujours malade et épuisé par sa dysenterie chronique François Buttaud décide d'envoyer sa démission au ministère des colonies. en présentant son intention de fonder un cabinet médical sur l'île qui est dépourvu du moindre médecin. Il est soutenu par une pétition des habitants. Compte tenu de son état et de ses états de service, sa démission est acceptée le 21 juin 1856. Il prend sa retraite sur place et crée le premier établissement médical privé de Papeete. Il en est le directeur, le médecin et le pharmacien.
François ignore que cette démission lui épargne de vivre une éprouvante aventure et surtout de rester à Tahiti ou il semble s'être pris de passion pour l'île.
En 1856 le Duroc part pour Nouméa avec pour objectif de rallier la France.
Le naufrage du Duroc
Le navire que vient de quitter François va vivre une aventure aurait été digne d'un roman de Jules Verne. Même si mon lointain cousin n'y fut pas mêlé je ne résiste pas au plaisir de vous la relater.
Au cours de son voyage de retour vers la France le Duroc fait naufrage au large de la Nouvelle Calédonie et s'échouer sur un îlot le 12 août 1856.
La mer est infestée de requins, la chèvre qui était à bord pour le lait est dévorée en tombant à l’eau. Les naufragés parviennent à sauver le nécessaire pour survivre, les vivres, le matériel pour distiller l'eau et pour cuire les aliments.
Les naufragés alors se sépare ensuite en deux groupes. Le premier, constitué de 36 hommes, les plus forts et des plus valides, partira à bord des canots de sauvetages le 25 août.

Malheureusement l’essentiel de leurs provisions tombent à l’eau, ils devront se contenter d’une ration de biscuits de 100g par jour. Ils erreront le long des côtes australiennes, obtenant quelques moyens de subsistance, de l’eau surtout, auprès des indigènes.
Epuisés, ayant à peine la force de ramer, après plusieurs mois, le 22 septembre ils atteignent un comptoir hollandais, Surabaya, en Indonésie orientale.
L'autre groupe, resté sur l'îlot, parmi lesquels on trouve la fille du capitaine, Rosita, âgée de 4 ans, entreprend la construction d'un canot à l'aide des débris du navire. Sous la direction du charpentier du bord qui était resté sur place, ils récupèrent les clous le bois se mettent à l'ouvrage, et achève l’ouvrage. Le 2 octobre, ils prennent à leur tour la mer, en pleine mousson. Après 28 jours, sous les pluies et les intempéries, le 30 octobre, affamés, assoiffés, sans nourritures depuis plusieurs jours ils rallient à leur tour le port de Surabaya. Six des rescapés meurent alors d’épuisement.
Ils laissent, accrochées sur les débris du vaisseau échoué, deux bouteilles scellées qui relatent leurs mésaventures qui seront trouvés par un navire français qui se rendra sur place.
Les rescapés atteignent finalement la France en mars 1858 ou leur aventure connait un énorme retentissement. Seuls 3 marins sur les 67 naufragés auront péri dans cette aventure. Le capitaine sera néanmoins jugé par un conseil de Guerre à Cherbourg. Il y est acquitté et même félicité pour son courage et son comportement admirable lors du naufrage. Le tribunal écrira qu'il était: "capable, modeste, il était impossible de faire mieux qu'il n'a fait." et le recommande pour un avancement exceptionnel.
Il se verra promu dans la hiérarchie de la Marine mais mourra de fièvre quelques années plus tard dans le golfe d'Aden au Yemen.
Si François Buttaud a appris leur aventure, ce sera donc bien après.
La mort de François Butteaud
François fonde le premier cabinet médical de Tahiti. L'année suivante, en 1857, après 15 ans de vie commune, il épouse Marie Chery.
Malheureusement, 6 ans plus tard, le 3 octobre 1863, la maladie l’emporte.
Au moment de son décès, sa femme Marie Chery, était à Paris pour suivre ses deux premières filles qui étaient parties s’y installer. Ses 3 enfants les plus jeunes étaient restés à Papeete. Elle revient rapidement à Papeete ou elle mourra en 1900.



