Le hasard fait bien les choses dit l’adage. Découvrez comment un autostoppeur pris au hasard d’un voyage a répondu à mes questions sur un parent proche.
Mon arrière grand oncle, moine capucin
Il n’y a pas que le travail et l’acharnement qui en généalogie nous permettent de faire de belles découvertes. Il y a aussi le hasard. J’ai envie, aujourd’hui, de partager avec vous ce que je considère comme l’une de mes plus belles histoires liées au hasard.
Nous sommes en mars 1997, internet est balbutiant. Les recherches généalogiques ne sont possibles qu’en se rendant sur place, dans les archives départementales. Comme je le fais régulièrement, je suis donc allé passer quelques jours à Vannes, aux archives départementales du Morbihan où se concentrent l’essentiel de mes recherches.
J’en ai profité pour combler quelques lacunes de mon arbre généalogique, dont celles concernant un de mes arrière-grands-oncles, Jean le Guiader.
Il était né en 1878, à Pontivy, et était mort en 1972. Comme tout généalogiste qui se respecte, j’avais, des années plus tard, profondément regretté de ne pas lui avoir posé de questions sur sa jeunesse. C’est sans doute la plus ancienne personne que je n’ai jamais connue.
C’est le seul des arrière-grands-oncles dont je garde un souvenir. Les autres, soit je ne les ai pas connus, soit je ne leur ai prêté aucune attention. J’étais trop jeune pour m’intéresser à eux.
Ma mère essayait vainement de m’expliquer qui était cet arrière-grand-oncle. C’était l’oncle de sa mère, ma grand-mère, que je n'avais pas connue. J’avais moins de 10 ans, cela me paraissait incompréhensible. Des parentés avec des gens morts, cela dépassait mon entendement.
Je me souviens encore de lui. Il portait une robe de bure marron foncé, nouée à la taille par une cordelette et marchait avec des sandales. Il portait une longue barbe blanche qui piquait lorsque nous l’embrassions et il marchait lentement.
Petits, avec ma sœur, nous adorions aller le voir, car à chaque fois, il nous donnait des pâtes de fruits confectionnées sur place. Son monastère était proche du centre de la ville de Lorient.
Un voyage ennuyeux
Aux archives départementales, j’avais consulté son acte de naissance. La mention marginale portait la date et surtout, le lieu de son décès que j’ignorais. Il vivait à Lorient, pourtant, il était mort à Angers. Je ne n'en voyais pas la raison.
Lorsque je quitte Vannes, un matin, je prends le chemin de l’Yonne vers Auxerre ou ma mère se trouvait. C’est un chemin que j’avais fait des dizaines de fois, et qui, à la longue, m’ennuyait un peu. Comble de malchance, mon autoradio était en panne. Je m’ennuyais au volant, conduisant dans un silence pesant. Je songeais à la moisson de renseignements que j’avais recueillis après ces quelques jours de recherche aux archives en regrettant bien évidemment de ne pas avoir pu rester plus longtemps.
Les villes défilent. Vannes, Nantes, Angers. Angers, la ville où était décédé cet arrière-grand-oncle auquel je me remets à penser. Là je prends la direction de Blois d’où je remonterai vers Orléans comme à chaque fois.
Lassé par l’autoroute, je décide de changer de ma route habituelle en obliquant vers la Sologne. La route est plus longue, mais plus belle. L’ennui demeure, si jamais il y a un autostoppeur sur la route je m’arrêterai pour le prendre.
Le temps est brumeux la visibilité moyenne. La nature reste belle, la bruyère est chargée d’humidité, dehors tout est flou. Il doit faire froid et humide.
Un moine autostoppeur
Soudain, au sommet d’une montée j’aperçois une silhouette celle d’un homme plutôt âgé en train de faire du stop. On dirait un moine, il m’évoque justement mon arrière-grand-oncle. Je m’arrête pour le prendre, je dois traverser par sa ville de destination, Sully-sur-Loire.
La conversation commence immédiatement :
« Je suis moine capucin, me dit-il, vous ne savez certainement pas ce que cela signifie.
-Bien sûr que si, j’avais justement un de mes arrière-grands-oncles qui était capucin.
- Ah bon, où ça ?
- À Lorient c’était il y a bien longtemps dans les années 60.
- Alors c’est une coïncidence moi aussi j’étais moine capucin à Lorient dans les années 60 comment s’appelait-il ?
- Il s’appelait Jean le Guiader.
Le moine se retourne vers moi avec un grand sourire surpris et me dit :
- Le père Alain ?
- Oui, c’était son nom dans les ordres.
- Ça alors je l’ai très bien connu nous étions dans la même cellule. Je me souviens très bien de lui en particulier du moment où il avait perdu son neveu qui commandait un sous-marin qui a disparu au large de Toulon cela l’avait profondément affecté.
- Oui nous parlons bien de la même personne puisque ce neveu, c’était mon père.
Et il commence alors à me raconter la vie de mon arrière-grand-oncle qu’il avait effectivement fort bien connu. J’apprends la raison de sa mort à Angers. C’était la résidence où l’on envoyait les Capucins lorsque l’on sentait que leur fin était proche.
Epilogue
L’histoire ne s’arrête pas là. Peut-être deux ans plus tard, lors d’un mariage, ma mère se retrouve assise face au prêtre qui vient de bénir l’union. Elle commence à expliquer qu’elle est la veuve du commandant du sous-marin Minerve qui avait disparu en 1968.
Le prêtre la regarde fixement et lui :
- Figurez-vous qu’un jour j’ai été pris en stop par le fils de ce commandant !
- Oui, vous avez été pris en stop. C'était par mon fils…
A bientôt, pour une nouvelle descente dans mon abime.
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