Chez mon grand-père j’avais récupéré un vieil arbre généalogique sur lequel le frère de mon ancêtre Jean Le Bihan, était désigné par un X, sous celui-ci on lisait : « cocher de Charles X ».
J’imagine depuis qu’il est celui que l’on voit sur le tableau qui représente le couronnement du dernier Roi de France, mais qui était-il ?
Qui est X
Cet arbre généalogique, je n’en connaissais pas l’origine, je pense que son rédacteur en était Pierre Rivalan, un de mes trisaïeuls, mort en 1927.
Ce cocher n’avait aucun prénom je ne savais rien de lui si ce n’est son nom « Le Bihan ». Selon toute vraisemblance il était né dans les années 1790, mais c’est tout ce que je pouvais deviner.
Charles X frère de Louis XVI avait été roi de 1824 à 1830. Il avait été renversé par la révolution de juillet à Paris, et était le dernier de la dynastie des Bourbon. Ensuite il était parti pour l’Autriche où il mourut en 1836. Mon cocher l’avait-il suivi là -bas ? Était-il revenu en Bretagne ou bien parti dans une autre direction ?
Je n’en savais rien.
Ce que je devinais sans peine c’est qu’il devait être un fervent royaliste. Charles X est resté dans les mémoires pour son intransigeance vis-à -vis des républicains et des soutiens de Napoléon. Le père de mon cocher avait eu des démêlés avec les républicains, pendant la révolution. Son frère avait épousé la nièce du sinistre Satibus, l’irréductible chouan que j’ai déjà évoqué à la lettre S.
Une aiguille dans une botte de foin
Tout cela ne me donnait aucune direction où chercher.
Pour compliquer le tout le nom de famille était Le Bihan qui est un des noms les plus répandus en Bretagne. À partir du 19e siècle, on trouve ce patronyme dans toute la France. La question était simple comment trouver quelqu’un que l’on ne sait pas où chercher et qui porte un nom commun, alors que l’on ne connait pas son prénom. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
Une des pistes devait être Paris, mais l’état civil y avait été détruit pendant la commune, en 1870. Certes il existe des fiches correspondant à la reconstitution des actes d’état-civil mais elles sont très pauvres et difficilement exploitables.
Quelques indices
On le dit souvent dans les enquêtes policières quand on ne trouve rien il faut tout reprendre à zéro en repartant des indices initiaux.
En relisant les documents originaux c’est-à -dire ceux qui avaient été rédigés par mon trisaïeul, je remarque qu’en dessous le nom de X cocher de Charles X, il y a 2 noms Savarin et Mondet.
En cherchant sur ces noms, moins fréquents, je découvre deux unions Le Bihan-Savarin et Le Bihan-Mondet dans le Paris du 19e siècle. A partir des fiches des mariages en question je parviens rapidement à trouver une piste qui va enfin me mener à la solution.
Sur l’acte de décès de ces épouses Savary et Mondet je trouve le nom de leur père. Il s’appelait Mathurin Le Bihan. La suite est facile…
La vie de Mathurin
Il était né à Noyal-Pontivy en 1796. Il part pour Paris où, en 1821 il épouse une parisienne, avec qui il aura 5 enfants.
Par la suite il sera cocher de Charles X, mais je ne trouve aucune trace à ce sujet. Je ne sais ni quand ni combien de temps. Était-ce pour un unique transfert ou était-il titulaire d’un poste attitré de cocher du Roi ?
Après la révolution de 1830, il était donc resté sur Paris mais j’ignore tout de ses activités professionnelles, car les documents qui auraient pu me renseigner ont sans doute disparu dans l’incendie de l’hôtel de ville en 1871.
Pendant le 2nd empire, les travaux du baron Haussmann l’obligent à quitter la capitale et il ira d’abord s’installer à Clichy puis à Levallois-Perret où il mourra en 1874.
L’ironie de cette histoire fut de découvrir qu’il était mort dans une ville où j’ai longtemps résidé, à proximité de mon domicile. Une simple visite aux archives municipales, à quelques centaines de mètres de chez moi, aurait pu me donner la solution de ce mystère.
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