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Y comme Yette, ma tante Yette


« Un griot qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle » avait dit Amadou Hampâté Bâh. À titre personnel s’il y a bien quelqu’un qui incarne cette phrase c’est ma tante Yette, diminutif d’Henriette.

Elle était née en 1893 à Locminé Dans le Morbihan est morte dans un EHPAD en 1989. Certes elle n’était pas griot mais je voudrais lui rendre hommage aujourd’hui.


Des visites ennuyeuses

Cette vieille tante cousine était là germaine de ma grand-mère, que je n’ai pas connue. Ma mère aimait lui rendre visite, dans une petite maison de Pontivy, en face du cimetière où étaient enterrés sa mère et ses grands-parents. Cette tante était une toute petite femme au cheveux blanc, à 12 ans j’étais déjà plus grand qu’elle. Avec ma sœur nous trouvions ces visites ennuyeuses. Les parquets étaient cirés, notre seule distraction était une minuscule balançoire dans sa cave et son étroit jardin ne se prêtait à aucun jeu. Elle servait du thé avec des gâteaux secs et en dehors de cela nous attendions que le temps passe. Je me souviens encore de l’odeur de sa maison même si je ne saurais pas la définir aujourd’hui.


Intarissable sur les histoires de famille

En 1979, quand je me lançais dans les recherches généalogiques encouragé et accompagné par ma mère. Nous avons immédiatement commencé par ce qu’il faut faire, interroger les vieilles personnes.

La tante Yette était intarissable sur ses souvenirs de famille. J’ai commencé à apprécier les visites chez elle. Elle nous parlait, heureuse, de chaque membre de la famille avec des anecdotes diverses et variées.


Je me souviens encore de l’instant nous parlions de son grand-père, mon arrière-arrière-grand-père, elle nous dit « J’ai sa photo » et elle alla nous chercher une vieille photo tirée sur du papier cartonné qu’elle donna à ma mère en disant « Garde-la, personne ne s’intéresse à ça chez mes enfants. »

Avec elle les photos de famille perdaient leur anonymat.


Elle gardait une rancune tenace vis-à-vis de la 2e épouse de son grand-père laquelle était mon arrière-arrière-grand-père qu’elle accusait de l’avoir conduit au suicide le 31 décembre de l’an 1902 quand il fut retrouvé pendu dans sa grange. C’était une vieille femme impotente acariâtre et méchante disait elle d’elle.


Nous avons appris que mon arrière grand-mère était la serveuse du restaurant où mon grand-père, oncle de tante Yette, allait prendre ses repas de midi. Il avaient commencé alors leur histoire d’amour.


Elle avait épousé son cousin germain, qui était aussi celui de ma grand-mère.


Elle nous parlait de ce mari, qui était officier de Marine passionnée d’histoire qui dans les années 1920 était parti dans les mers de l’Indochine française à plusieurs reprises avec des séparations qui duraient plusieurs années. Elle se moquait de ces femmes qui étaient incapables de supporter un éloignement de leur mari de quelques jours, elle qui avait dû vivre seule avec ses enfants pendant 2 ans pour la plus longue séparation.


Un tabou qui tombe

J’ai découvert aussi l’un des avantages à discuter avec une parente proche qui ne fait pas partie de nos ascendants directs. Elle n’hésitait pas à parler de sujets considérés comme tabous dans sa propre famille.

J’en profite pour donner un conseil à tous les généalogistes pour lever les secrets de famille. Allez interroger plutôt les parents éloignés c’est la que la vérité éclate.


Le mariage arrangé de mes grands-parents

Ainsi, mes grands-parents maternels ne s’étaient pas mariés par amour. C’était simplement parce que leurs pères respectifs étaient ami après avoir étudié ensembles au petit séminaire. Ils avaient décidé de sceller leur amitié en mariant ensemble 2 de leurs enfants. Le mariage de mes grands-parents était donc un mariage arrangé.


Mon grand-père avait grandi à Paris, ou son père mon grand-père avait fondé un cabinet de médecine, était devenu ingénieur. Ma grand-mère avait grandi à Pontivy et comme de nombreuses femmes de l’époque avait fait des études de ménagère secrétaire qui ne correspondait absolument pas à son potentiel.


Ma tante Yette nous avait raconté qu’elle était aux côtés de sa cousine le matin de son mariage. Celle-ci pleurait de désespoir à l’idée d’épouser un homme qu’elle connaissait tout juste, vis-à-vis duquel elle n’éprouvait aucun sentiment. Elle avait 20 ans et aurait préféré profiter un peu de la vie et surtout choisir elle-même son mari. Mais ses parents avaient décidé pour elle.


Ce que j’avais trouvé surprenant c’est que les parents de ma grand-mère avaient eux-mêmes contracté un mariage d’amour. Je me demande aujourd’hui encore pourquoi ils n’avaient pas laissé leur fille faire de même.


Depuis à chaque fois que je vois les photos du mariage de mes grands-parents je vois bien que ma grand-mère n’y parait pas spécialement heureuse. Sur la photo de mariage de mes arrière-grands-parents, les 2 mariés semblent rayonner de bonheur.


Je dois avouer que je n’ai pas osé interroger mon grand-père, encore en vie, sur sa version des faits. Il m’aurait sans doute fait comprendre sèchement, comme à son habitude, que cela ne me regardait pas et que ce que j’avais appris était faux. Je pense d’ailleurs que le mariage de ses propres parents était aussi un mariage arrangé. Ses parents devaient à peine se connaitre le jour de leur mariage.


La fin

Malheureusement, ma tante Yette fut atteinte de la maladie d’Alzheimer très rapidement après que j’ai commencé à m’intéresser à la généalogie et pour reprendre l’image de la bibliothèque celle-ci s’est alors définitivement fermée pour mon plus grand désespoir.


Il y aurait eu tant d’autres choses à dire et à apprendre.


Si ma tante était encore de ce monde aujourd’hui je pourrais à mon tour lui apprendre bien des choses que j’ai découvertes grâce à la généalogie sur sa propre famille.


Je suis, à mon tour, devenu une bibliothèque…

À bientôt pour une nouvelle descente dans mon abime.

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