E comme Éloge des actes de décès
- Hervé Fauve
- 5 nov. 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 23 déc. 2022

“Décapité par les bédouins”, cette mention ahurissante, sur l’acte de décès d’un lointain oncle, à Pontivy, en plein centre de la Bretagne, m’avait stupéfié.
Un acte difficile à trouver
L’acte de décès est souvent négligé. C’est pourtant celui qui m’a donné mes plus grandes surprises. Mais, c’est le plus difficile à trouver.
Quand une date de décès manque, on peut se laisser aller à d’abandonner les recherches. Pourtant, cette difficulté peut être le signe d’un acte qui présentera de l’intérêt.
Pour un décès, il n’y a pas toujours de fourchette de date, le lieu peut-être éloigné de la zone d’origine ou de vie du décédé. Quand on connaît bien le décédé, on peut se contenter de relever la date et le lieu du décès sans approfondir particulièrement. Si l’on connait déjà le nom de ses parents, de son épouse, de ses enfants, que peut-il apprendre que nous ne sachions déjà, surtout si le mort est jeune et célibataire?
Plusieurs expériences m’ont montré pourtant que ces actes recelaient parfois de véritables trésors. C’est l’acte qui conclut une vie en donnant parfois des précieux renseignements.
La première fois que je percevais de l’intérêt d’un acte de décès, ce fut pour la mort d’une lointaine ancêtre Anne le Gargasson. L’acte de décès mentionnait la cause de celui-ci. Elle avait été trouvée “morte près du ruisseau” où elle avait dû tomber, ensuite elle avait été saisie par le froid le 25 ventôse an VI (15 mars 1798).
C’était mon ancêtre direct. Ceux-ci je m’étais toujours astreint à lire leurs actes mais ce n’était pas le cas pour leurs frères et sœurs.
Décapité par les bédouins
Le vrai choc fut pour moi l’acte de décès d’un lointain oncle, Joseph Gigourel, apparemment mort à Pontivy en 1833. Mais, je découvris en lisant l’acte de décès, qu’il avait été décapité par des bédouins, 3 ans plus tôt.
Des bédouins en pleine Bretagne cela paraissait surprenant. Avais-je bien lu ?
En fait, il était mort à proximité d’Alger, en juin 1830, dans les tout premiers jours de la conquête de l’Algérie.
Il faudra 3 ans pour que la nouvelle parvienne à sa famille.
Je cherchais le maximum de renseignements sur cette mort étonnante. Je finis par découvrir un récit où on expliquait dans quelles conditions il avait connu un tel sort.
Il était resté distraitement en arrière du reste de l’armée, un peu à l’écart, et avait été surpris par des ennemis qui l’avaient tué.
Pour trouver cela, j’avais multiplié les requêtes sur Google, jusqu’à trouver des éléments qui correspondaient à ce que je cherchais.
Aiguillonné par cette découverte, je me mis alors à lire systématiquement tous les actes de décès des fratries de mes ancêtres. Je m’aperçus rapidement, qu'à partir de l’état civil révolutionnaire, les actes de décès étaient systématiquement reportés dans la commune d'origine (naissance ou résidence), même s’ils étaient morts à l’étranger. La révolution avait permis de passer des actes de sépulture aux actes de décès, ce n’était pas anodin.
Ma famille a dû faire toutes les guerres
Les découvertes se sont multipliées. Je découvrais avec stupéfaction qu'un grand nombre de parents, frères où cousin de mes aïeux, étaient décédés lors des guerres de la révolution et de l’Empire.
Ils avaient participé à tous les conflits. Ils avaient pu mourir de maladie ou au combat. Ces détails n’étaient pas toujours mentionnés dans les actes, mais il y avait les dates et le nom des régiments auxquels ils appartenaient. Il me suffisait ensuite de chercher l’historique des dits régiments pour comprendre les circonstances du décès de la personne retrouvée.
Cela s’est poursuivi après l’Empire. Durant tout le dix-neuvième siècle, les actes de décès des français morts à l’étranger sont répertoriés dans les communes d’origine. Il faut donc bien lire les actes pour le savoir.
Conseil pour mes pairs généalogistes
Je conseille à chacun, en particulier lorsqu’il voit qu’une personne est morte relativement jeune, c’est-à-dire à moins de 35 40 ans, de lire les actes originaux de décès.
Si la personne est morte dans des opérations militaires on trouvera, sur l’acte en question, le nom du régiment auquel il appartient et une simple requête sur Google permettra parfois de comprendre les conditions dans lesquels ce décès s’est produit.
J’ai été étonné du nombre de membres de la famille qui ont été tués ou ont participé aux différents conflits depuis 1789. Je suis même surpris que la mémoire familiale n’en ait gardé aucune trace.
Multiplication des découvertes
À partir de ce jour je me suis lancé dans le dépouillement d’un très grand nombre de listes relatives aux opérations françaises à l’étranger qu’elles soit militaires ou civiles et je ne vous surprendrai sans doute pas en vous révélant que mes efforts ont payé au delà de mes espérance.
Je me croyais issu de lignées de laboureur qui avaient vécu au rythme des saisons dans une sorte de monotonie séculaire, je me trompais. Beaucoup de rameaux détachés de mon arbre révélaient des itinéraires qui sortaient de l'ordinaire.
J’ai découvert l’aventure coloniale du 19e siècle avec une délectation mêlée de gourmandise. Ce n’était pas mes ancêtres, mais leurs frères, sœurs, cousins, cousines, et dans tous les cas c’était passionnant.
J'ai tout de même souvent dû me rendre à Vincennes consulter les archives de l'armée pour trouver les renseignements qui me manquaient.
Ainsi j’ai vu comment une partie de ma famille émigrer vers l’Algérie où elle a participé à l’aventure coloniale. J’en ai vu d’autres partir vers l’Asie en passant par l’Égypte. Mais tout cela vous le découvrirez dans de nouveaux billets.
Méthode
Dans tous les cas j’utilise toujours la même méthode je regarde les listes disponibles sur un sujet donné. Je vérifie les lieux d’origine des protagonistes et chaque fois que j’y trouve une commune que je retrouve dans ma généalogie je vérifie qu’il ne s’agit pas d’un parent lointain.
Récemment j’ai découvert la participation de cousins à la guerre d’indépendance des États-Unis, je poursuis mon enquête. Je suis certain qu’il me reste bien d’autres découvertes à faire.
Je ne peux qu’encourager tout un chacun à procéder de même. On éprouve toujours une certaine joie à découvrir un parent qui a pu participer a des phases mémorables de l’histoire. Cela ne veut pas toujours dire que l’on est fier d’eux car ils n’ont pas forcément était du bon côté si l’on considère notre point de vue actuel.
Je vous invite à vous rendre sur la page de mon site correspondant au lien suivant où vous découvrirez quelques-unes de ses aventures certaines ne sont pas en ligne, mais elles le seront progressivement.
A bientôt pour une nouvelle descente dans mon abime.
Sur mon site : L‘histoire de Mathurin Gigourel
Et de nombreux destins à découvrir à partir de la page




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